Défis, tendances et opportunités
Les deux grands défis actuels que représentent la fluidité du trafic routier et l’écologie façonnent la mobilité de demain. Ce thème est désormais un sujet majeur d’actualité puisqu’il impacte les pendulaires, les entreprises, les collectivités publiques et la vie de chacun. Quels défis, tendances et opportunités se profilent pour la mobilité de demain ?
Aujourd’hui la Suisse compte près de 4 millions de pendulaires et ce nombre va probablement doubler d’ici 2050. La voiture reste le mode de transport privilégié pour 52% des pendulaires mais son image construite autour de la « liberté » se trouve mise à mal par l’augmentation continue de la densité du trafic. La voiture, véhicule utilitaire par excellence encore il y a peu de temps perd en efficacité, ouvrant la voie à de nouvelles alternatives de mode de transport plus efficaces.
Alors que la dimension pratique du moyen de transport reste une priorité pour les voyageurs, le fait de posséder son véhicule perd en importance. Ce changement de paradigme est porteur pour le développement du « Mobility as a Service » (MaaS). Côté demande, cette transformation fait évoluer les habitudes des consommateurs vers la multimodalité. Côté offre, le MaaS vient chambouler le positionnement et l’organisation des acteurs traditionnels tout en créant un terrain fertile à l’émergence de nouvelles opportunités pour les PME de tous secteurs.
Le « Mobility as a Service » porteur de la multimodalité
L’ère du numérique permet de développer des services liés aux transports de plus en plus connectés et si efficaces qu’ils incitent les utilisateurs à abandonner leurs véhicules personnels. La Finlande, la Suède et l’Allemagne ont vu l’apparition d’applications smartphone (« Whim », « Ubigo » et «Quixxit»), qui permettent aux voyageurs de combiner taxi, transports en commun, voiture de location ou encore vélo en libre-service pour réaliser de manière optimale leurs parcours, tout en réservant et payant en un seul clic.
En Suisse, même s’il n’existe pas encore une application mobile proposant des parcours multimodaux, le terrain se prépare à l’accueillir. Les CFF ont d’ores et déjà mis le cap sur la multimodalité avec un partenariat avec la société Mobility, leader suisse du « car sharing ». Les offres de service qui permettent de jouir d’un véhicule de tout type sans le posséder sont de plus en plus sophistiquées, flexibles et nombreuses. La multimodalité fait déjà partie des habitudes des consommateurs et une application smartphone suisse centralisant l’ensemble de l’offre de transport se fait attendre.
La zone d’ombre de la mobilité en tant que service réside dans le fait qu’en devenant des biens communs, les moyens de transport sont sujet à des incivilités et aux vols. L’exemple le plus mémorable en la matière est celui de l’expérience française de la société Hong-kongaise GoGee Bike, qui a dû cesser son activité en France après que 3200 de ses vélos aient été dégradés et plus d’un millier volés ou privatisés. Pour pallier à ce problème, Mobility qui proposera dès le 19 avril 2018 un service de scooter en libre-service en ville de Zurich, exige que ses véhicules soient toujours garés sur un lieu de stationnement officiel de la ville de Zurich réservé aux deux-roues et que la location doive prendre fin dans la zone de desserte définie. Les sociétés désireuses d’offrir un service de mobilité doivent donc impérativement se prémunir contre ce risque sous peine de mettre à mal la rentabilité du modèle d’affaire.
Le marché du vélo, un marché traditionnel qui relève les défis de demain
Dans ce marché en pleine mutation, les acteurs traditionnels doivent prendre position. Le marché du vélo est un excellent exemple, puisque son développement répond aux défis actuels de la mobilité. En effet, en plus d’être le moyen de transport écologique par excellence, le vélo répond aux exigences de fluidité et constitue une alternative intéressante pour faire face aux problèmes d’engorgement des axes routiers. Ainsi, le nombre de pendulaires empruntant leurs vélos pour se rendre au travail a augmenté de plus de 20% depuis 2010.
Cette popularité du vélo s’explique également par le développement spectaculaire du marché du vélo à assistance électrique (VAE). Avec plus d’un vélo sur quatre vendu en Suisse qui est électrique aujourd’hui, le VAE est en voie de devenir le segment le plus populaire auprès des helvètes. Cette popularisation a été rendue possible par les progrès de la technologie de batterie qui a fortement fait diminuer les coûts de production et réduit son prix de vente.
Le vélo électrique se retrouve donc souvent plébiscité par les politiques de durabilité aux niveaux cantonal et fédéral. Des subsides pour VAE sont d’ailleurs actuellement octroyés par de nombreuses communes suisses, et le canton de Genève représente un bon exemple avec 250 francs de participation par vélo acheté. De surcroit, les investissements publiques destinés au développement de pistes cyclables et d’amélioration du nombre et de la sécurité des solutions de parcage pour vélo encourage l’utilisateur et favorisent le développement et l’utilisation d’un réseau de vélo en libre-service.
Les retombées sont très positives pour l’ensemble des acteurs de telle sorte que les entreprises ont tendance à encourager l’emploi du VAE avec des initiatives comme « bike to work » qui incitent via les entreprises à parcourir les trajets domicile-travail à vélo. Ceci représente un phénomène de mode dont profitent largement aujourd’hui les fabricants et distributeurs en Suisse.
Quelles opportunités pour les PME et collectivités publiques ?
On observe une disruption du modèle de consommation des transports avec l’apparition d’acteurs formant un réseau de consommateurs et éloignant la propriété. L’apparition de nouvelles plateformes révolutionne nos usages des moyens de transport et viennent apporter un service beaucoup plus utile aux usagers. Cette réorganisation de la mobilité est propice à l’émergence de nouvelles opportunités pour les PME et entrepreneurs désireux d’offrir des services directement liés à la mobilité.
Les dynamiques organisationnelles des entreprises sont impactées par la mutation des modèles de transport. Investir dans la mobilité de demain peut s’avérer porteur d’opportunités pour les entreprises suisses. Promouvoir la mobilité douce au sein des entreprises octroie notamment des avantages économiques liés à la baisse du besoin de parking, et l’entreprise bénéficie d’une image positive en mettant en avant ses préoccupations pour la santé de ses employés et de la société au sens large. A noter qu’une étude danoise a permis de mettre en avant que le nombre de jours moyens d’absentéisme chez les salariés se rendant au travail à vélo est de 15% inférieur à ceux se rendant au travail par un autre mode de transport.[1]
Les collectivités publiques doivent prendre les devant pour relever les défis actuels de la mobilité. Les autorités sont les acteurs majeurs de ce changement de paradigme et elles mettent d’ores et déjà en place des stratégies ambitieuses. Le MaaS doit impérativement être intégré notamment dans les projets de « Smart City ». Les politiques ont donc pour rôle de promouvoir de la mobilité de demain de par leurs investissements dans la création d’un environnement propice au développement d’alternatives de transport plus fluides et durables.
Alexandre Antonietti
Maxime Bourqui
Manuel Wildhaber
[1] « The association between commuter cycling and sickness absence » Ingrid J.M. Hendriksen, Monique Simons, Francisca Galindo Garre, Vincent H. Hildebrandt, 2010
Téléchargez l’article ici