Newsletter – Septembre 2010
L’implication de la crise du crédit sur les relations entre entreprises et investisseurs
Après une période durant laquelle les banques ne se prêtaient plus entre elles et où les conditions de crédit s’étaient tellement resserrées que même les investisseurs les plus téméraires semblaient s’être fait une raison, on peut dire que le marché actuel du crédit se porte plutôt mieux. Si de ce point de vue, la crise du crédit de 2008 – 2009 s’est estompée, il n’en demeure pas moins que les mentalités semblent avoir été durablement marquées.
Sous nos latitudes, ce renforcement d’un certain esprit « vieille Europe » a des effets particulièrement notoires dans le domaine des prises de participations directes. En effet, le durcissement de l’attitude des instituts de crédit est accompagné par un repli similaire des actionnaires. Au-delà des discours sur les biais culturels et l’esprit entrepreneurial, ce repli indique combien les décisions d’investir peuvent reposées sur des bases fragiles et indépendantes des déterminants de la gestion d’entreprise.
Or c’est précisément dans les situations de manque de liquidités que les entreprises sont le plus dépendantes de leurs actionnaires, et que les décisions qui s’imposent requièrent une solide analyse. Pour une entreprise en phase de développement, ou d’adaptation à la globalisation, un déficit de financement a en effet le plus souvent des conséquences très destructrices. Il est donc indispensable, lors d’une prise de participation, de définir une vision à long terme non seulement pour la stratégie, ce qui est presque systématiquement le cas, mais également pour la dimension financière.
Sur cette base, la mise en place de mécanismes de contrôle et de veille adéquats permettra dans une large mesure d’anticiper les évolutions potentiellement dangereuses pour les liquidités de l’entreprise et d’éviter d’aboutir à l’impasse. Bien entendu, la récente crise économique mondiale fait partie des évènements difficilement intégrables à une planification. Dans ce cas, le durcissement de l’attitude des banques en matière de crédit force de nombreuses entreprises à se retourner vers leurs actionnaires.
Dans ce contexte, les actionnaires, affectés eux aussi par les conséquences de la crise globale, ont, malheureusement pour l’entreprise, naturellement tendance à adopter une attitude très conservatrice. Dans l’hypothèse ou les actionnaires disposent des fonds additionnels demandés par l’entreprise en difficulté, la question centrale à laquelle ils devront répondre est la suivante : les conséquences financières négatives sont-elles potentiellement plus importantes en accordant le financement ou en ne l’accordant pas ?
Pour prendre une décision véritablement fondée en la matière, il sera nécessaire d’avoir une compréhension précise de la situation de l’entreprise, notamment de l’état de son développement et de la manière dont celle-ci génère de la valeur. C’est cette connaissance qui permettra de mener les réflexions nécessaires, que cela soit dans l’optique d’accorder le financement ou de ne pas l’accorder. Dans l’optique d’un non financement il convient pour les actionnaires d’élaborer des scénarios avec le management, qui lui aura tendance naturellement à être alarmiste dans cette situation, afin de voir s’il existe des solutions de repli qui préservent les chances de l’entreprise. Par contre, si les actionnaires envisagent d’accorder le financement, il conviendra d’établir de manière factuelle ce que l’entreprise pourra atteindre avec les fonds supplémentaires.
Ce type d’analyse permet en général de distinguer la meilleure option. Si ce n’est pas le cas, c’est le profil psychologique des actionnaires qui sera le principal déterminant : les profils entrepreneuriaux accorderont le financement, et ceux qui ont, ou doivent avoir, une perspective plus liée à la préservation du patrimoine le refuseront.
Et si l’analyse factuelle et la conformation à leur degré d’aversion au risque ne suffisent pas aux actionnaires pour se déterminer, il ne reste plus alors peut être que les leçons de l’histoire : toutes les crises économiques ont démontré que les entreprises qui continuent de construire leur futur durant les ralentissements profitent souvent de rebonds spectaculaires qui renforcent leur positionnement concurrentiel de manière durable. Ne faisant référence qu’a des grands noms, on se référera à cet égard au récent redémarrage du groupe Swatch qui profite pleinement de sa décision de ne pas avoir réduit ses capacités durant la crise. A des horizons plus lointains, pensons aux exemples de Dell Computers pendant la crise post bulle internet, qui avait exploité l’augmentation de l’élasticité-prix de la demande typique des périodes de crise pour se positionner en leader de son secteur, ou encore Wal-Mart qui a pu, dès le début des années 90 opérer des baisses de prix déterminantes suite aux importants investissements consenties dans la logistique durant la crise de la consommation ayant suivi le crash de 1987.